INTRODUCTION
Il
est arrivé beaucoup de bouleversements depuis
mes dernières excursions finistériennes
avec Ginette, mais malgré eux la passion est
restée intacte, le large ne cesse de m'appeler. Une
fois que « Jeannette » est dotée de son
surnom, que son rodage de 500 km est terminé
et qu'elle a bénéficié d'une petite
révision, je suis bien sûr démangé
par l'envie de profiter des grandes vacances pour entrer
tout de suite dans le vif du sujet et voir ce qu'elle
a dans le ventre ! Je
déplie une carte de France et réfléchis.
Peu à peu, l'idée d'un grand périple
se dessine, une sorte de petit tour de France qui pourrait
être divisé en deux parties : du tourisme
intensif d'abord, des vacances en famille et entre amis
ensuite. Le tourisme
intensif serait consacré à la Bourgogne,
une région que j'aime particulièrement
et que je souhaite connaître davantage encore,
si possible dans ses plus moindres recoins. Pour cela,
je tente de recenser tous ses principaux sites touristiques
et les localise sur mes cartes routières. J'élabore
alors un itinéraire optimal pour les atteindre
tous sans faire trop de détours inutiles. Et
le programme promet d'être chargé ! Les
vacances en famille et entre amis, quant à elles,
me mèneraient successivement sur la Côte
d'Azur, dans le Languedoc, les Corbières, la Charente et enfin le Poitou.
Un
beau
projet et déjà ambitieux donc, que
j'ai souhaité imposer à ma pauvre Jeannette,
pourtant encore fraîchement sortie de l'usine
et sans même lui demander son avis ! Mais vous
savez ce que c'est, « les belles années passent
vite » (Léo Ferré, La vie d'artiste).
D'autre
part, muni d'un bien meilleur appareil photo qu'il y
a quelques années, j'ai très envie d'accroître
- par rapport à d'habitude -
la quantité de clichés que je pourrai
rapporter de ce voyage, mais surtout de m'appliquer
à en améliorer la qualité. Ainsi,
je parviendrai peut-être à produire un
reportage photographique digne de ce nom, soigné
et regorgeant de surprises. Concernant
mon chargement enfin, je ne tiens pas à faire
crouler la jeune Jeannette sous trop de poids ! Je ne
prends donc qu'un sac à dos, le strict minimum,
pas de matériel de bivouac, et « on verra
bien ! »
LONGPONT-SUR-ORGE
- VÉZELAY (1er
août, 296 km) 78
PHOTOS
Je
dors tout habillé sur la banquette du salon pour
perdre le moins de temps possible lorsque ma montre
sonne, m'invitant à repartir à l'aventure,
enfin ! Sac sur le dos, banane autour de la taille,
pique-nique dans la poche du blouson, casque sur la
tête, en avant toute ! Le ciel est bien dégagé
et ça sent bon les matins d'été
! Je commence par rejoindre La Ferté-Alais
et la jolie vallée de l'Essonne jusqu'à
Malsherbes, puis j'emprunte de longues routes rectilignes
à travers les champs entre la Beauce et le Gâtinais,
direction plein sud, je traverse de jolis villages où
l'on trouve parfois encore de très belle halles,
et j'atteins Bellegarde et son château rougeâtre
bordé d'un plan d'eau. Je
poursuis ensuite mon chemin vers le sud-est, franchis
le canal d'Orléans et vois ici la première
écluse du voyage - la première d'une bien
longue série -, marque une pause très
agréable au bord d'un paisible bassin à
Adon, pour enfin entrer en Bourgogne à Rogny-les-Sept-Écluses,
où Ginette avait amené ses roues en 2003,
au bord du canal de Briare. Souvenez-vous, c'est un
village assez particulier puisque s'y trouve un véritable
escalier de sept écluses consécutives
qui fonctionnèrent entre le XVIIe et
le XIXe siècle. Fier
comme tout au guidon de Jeannette, je reprends de petites routes à travers
les bois de Puisaye. À Saint-Fargeau, je peux
contempler l'imposant château mais ne le visite pas, préférant
réserver cette réjouissance à celui
de Guédelon, quelques kilomètres plus
loin, qui lui... est encore en construction ! C'est
en effet une idée belle et très originale
qui est née dans les années 1990 : bâtir
un château médiéval en respectant
scrupuleusement les techniques du XIIIe siècle
et en n'utilisant que la matière première
présente sur place. Ce chantier colossal a débuté
il y a dix ans et en durera encore quinze. Les visiteurs
y déambulent parmi les ouvriers-mêmes,
qui se répartissent les différentes travaux
de façon très organisée. C'est
extrêmement intéressant ! Ressourcé
par ce voyage dans le temps, je repars à travers
la campagne qui devient un peu plus vallonnée,
ce qui me permet d'apprécier de jolis points
de vue sur tous les environs. Je m'arrête un instant devant le moulin Dautin, le seul qui soit
encore en état de moudre le blé en Bourgogne,
puis je rejoins la vallée de l'Yonne et
longe ses rives vers le sud. La rivière flirte
ici avec le canal du Nivernais et tous deux m'offrent
de jolis reflets au fur et à mesure qu'avance
le crépuscule. En
attendant de les retrouver demain, je mets enfin
le cap sur Vézelay, célèbre village
perché sur sa colline, classé comme l'un
des plus beaux de France, point de départ de
l'une des quatre principales routes menant à
Saint-Jacques-de-Compostelle. Je souhaite y faire étape
mais il est déjà 21h30 quand j'y arrive,
épuisé par cette journée intense
mais divinement heureux d'avoir retrouvé tout
au long de ces kilomètres des sensations qui
m'étaient chères. Les hôtels sont
soit complets, soit fermés, soit excessivement
chers ; je préférerai donc passer la nuit
dehors et, lorsqu'un violent orage éclatera vers
23h30, m'abriterai sous un vieil édifice formant
une arche au-dessus d'une ruelle. Je ne bougerai plus
de mon bout de trottoir,
essayant de dormir vaille que vaille, mais mon sommeil
discontinu sera peu récupérateur on s'en
doute. Toutefois cette expérience, parce qu'inédite,
se révélera intéressante et très
formatrice : je comprendrai en effet que l'épreuve
est moins terrible à surmonter qu'on le pense,
même lorsque les conditions ne sont pas idéales.
VÉZELAY
- AVALLON (le Morvan) (2
août,
234 km) 55
PHOTOS
À
6 heures, recroquevillé sur mon bout de trottoir, j'ouvre
les yeux une énième fois et décide
que ce sera la dernière. Je me lève. Il
ne pleut plus depuis le milieu de la nuit mais la température
a nettement chuté par rapport à hier.
Le temps sera de moins en moins nuageux au fil de la
journée. Après m'être promené
dans les rues de Vézelay de nuit, hier soir,
je les parcours à nouveau mais de jour. Dès
que la célèbre basilique ouvre ses portes,
je vais y jeter un oeil et la trouve bien sûr
majestueuse. Allez,
en route ! J'ai prévu de consacrer cette journée
à arpenter le Morvan, qui est le coeur de la
Bourgogne et à la fois la terminaison géologique
nord-est du Massif central, ce qui explique son relief
assez prononcé. Désireux également
de longer les canaux - nombreux en Bourgogne car la
région se trouve au carrefour des bassins-versants
de la Seine, de la Loire et du Rhône -, je commence
par venir, comme hier, auprès
de celui du Nivernais et de l'Yonne qui lui est parallèle.
Le canal, au tracé plutôt géométrique
et aux eaux parfaitement lisses, tel un enfant fort
bien éduqué, est jonché de fascinantes
écluses ; la rivière, elle, est une enfant
plus turbulente qui mène sa vie en toute liberté
sans se poser la moindre question mathématique. Des
curiosités parsèment bien sûr mon
chemin : de magnifiques châteaux, de sympathiques
ponts-levis enjambant le canal, et le très bel
aqueduc de Montreuillon peu après mon entrée
dans le Parc Naturel Régional du Morvan. La route
devient plus sinueuse, les forêts plantées
de conifères se font plus présentes, d'ailleurs
l'exploitation du bois est très souvent visible.
Après avoir aperçu le grand lac du barrage
de Pannecière, je parviens à la ville
de Château-Chinon,
bâtie sur un promontoire. L'étape
suivante est le Mont Beuvray, dont le sommet culminant
à 821 mètres d'altitude fut occupé
il y a plus de 2000 ans par une très importante
ville celte fortifiée, connue sous le nom de
Bibracte. Je m'aperçois d'ailleurs qu'il y a
beaucoup de choses à visiter ici, à commencer
par un grand musée, et l'on ne peut se rendre
aux sites de fouilles qu'en empruntant une navette,
la circulation y est interdite autrement. Néanmoins,
je grimpe un peu à pied, prends quelques photos,
mais ferai bientôt demi-tour, conscient que je
devrais consacrer plus de temps à cet endroit
exceptionnel, un temps dont malheureusement je ne dispose pas.
Je reviendrai, c'est promis. Je
reprends donc ma route et, après être
descendu vers le sud depuis ce matin, remonte à
présent vers le nord. Le temps s'améliore
et me permet de voir le Morvan dans toute sa splendeur,
avec ses forêts vastes et ténébreuses,
ses odeurs caractéristiques de bois coupé,
ses petits villages dispersés, ses quelques gorges
- celles de la Canche -, sans oublier ses lacs de barrage
- celui des Settons puis du Crescent - devant lesquels
je me pose quelques instants, et où peuvent
visiblement se pratiquer toutes sortes d'activités
nautiques. Cette grande
virée me ramène finalement à
Avallon, autrement dit à une quinzaine de kilomètres
à peine de Vézelay où je me trouvais
ce matin-même. Cette fois, je trouve un petit
hôtel et sympathise avec les gérants, propriétaires
de l'établissement depuis quelques semaines seulement.
Avant d'aller me coucher dans un lit bien confortable,
je vais me promener dans le vieil Avallon plein de charme
et ceint de remparts édifiés par Vauban,
qui naquit à 25 km d'ici.
AVALLON
- CHÉU (près d'Auxerre) (3 août,
101 km) 31
PHOTOS
Évidemment,
j'ai mieux dormi que la nuit précédente.
Je me régale aussi en prenant mon petit déjeuner
au bar de l'hôtel. Le temps est impeccable et
le restera toute la journée. Je hisse de nouveau
les voiles avec Jeannette et moi, et en sortant d'Avallon
je croise la Nationale 6, qui me rappelle bien sûr
mes 22 heures de route avec Ginette pour rejoindre Toulon,
en 2004, sur le chemin de la Corse ! Ce n'est donc pas
sans une vive émotion que je retrouve cet itinéraire
un peu mythique. Je
me rends d'abord au village de Montjalin, à quelques
kilomètres de là, où un petit château
abrite le musée des voitures des anciens chefs
d'État français. Ce doit être amusant,
mais j'arrive trop tôt, ce n'est pas encore ouvert
et
je ne peux attendre. Un peu plus loin, j'emprunte une très agréable départementale
qui coupe à travers les bois en longeant une
petite rivière. Les rayons du soleil, en se faufilant
entre les feuillages, forment des rais de lumière
légèrement obliques qui tombent sur la
route humide et celle-ci, en se réchauffant,
laisse s'échapper une petite fumée d'évaporation.
Une ambiance très particulière et un véritable
tableau, difficile à photographier d'ailleurs
! Je retrouve la
Nationale 6 dans la vallée de la Cure et m'arrête
aux grottes d'Arcy-sur-Cure que je souhaite
visiter. Et je ne serai pas déçu ! Surtout
que nous ne serons que trois à suivre la visite,
c'est tout l'avantage de se lever tôt ! Ces grottes
sont absolument somptueuses, d'une part pour leurs stalactites,
leurs stalagmites et leurs draperies de calcaire, et
d'autre part pour les peintures qui y ont été
retrouvées et qui sont deux fois plus anciennes
que celles de Lascaux ! Elles sont moins élaborées
certes, mais nul ne peut rester insensible devant des
dessins vieux de 26000 à 28000 ans, si ? De
retour au XXIe siècle, je repars vers Auxerre et m'embarque
alors pendant plusieurs kilomètres sur
un chemin de terre et de cailloux ! Doublé d'un
liséré vert sur la carte, il m'avait attiré
; représenté par un trait discontinu,
il avait éveillé mon côté
baroudeur. Je m'y attendais donc. Pauvre Jeannette,
elle a dû me maudire ! Après Auxerre, j'approche
les premiers vignobles du voyage, ceux de
Chablis, et le parfum des raisins y embaume l'atmosphère
à volonté. Enfin,
à 13 heures, j'arrive à Chéu, petit village
de 500 âmes où je retrouve un excellent
ami, Philippe, alias Phil-mime-automate-statue ! (voir
ma page de liens)
C'est un personnage hors du commun que j'ai rencontré
lors d'une fête organisée par ma commune
il y a trois ans et avec qui j'ai gardé le contact.
Il me faudrait vous en parler pendant des heures pour
que vous compreniez bien tout le talent de cet artiste
! En attendant, je vous invite à consulter son
site. Il
m'invite gentiment à déjeuner
et je ne pense rester que quelques heures chez lui,
mais nous ne nous lassons pas de bavarder ou de regarder
des photos. Moralité, j'y passe tout l'après-midi
! Il me propose finalement de rester dormir et j'accepte.
En début de soirée, nous allons faire
un grand tour en voiture dans les environs pour admirer
de belles maisons à colombages ou bien des fermes
sur le point de tomber en ruines. Encore une journée
très dense et riche en excellents souvenirs !
CHÉU
- POUILLY-EN-AUXOIS (4 août,
231 km) 67
PHOTOS
Après
un bon petit déjeuner en compagnie de Phil, nous
nous disons au revoir et Jeannette fait de nouveau vrombir
son petit moteur pour se lancer à l'assaut des
petites routes de Bourgogne. Cette
fois, ce sont le canal de Bourgogne et la rivière
de l'Armançon qui vont me guider pendant un
bon moment. Je me promène d'abord dans Tonnerre
dont le centre historique domine un peu la vallée.
En poursuivant, j'aperçois maintes écluses
qui jonchent le canal, comme c'était aussi le
cas pour celui du Nivernais bien sûr. L'Armançon
quant à lui est parfois franchi par de jolis
ponts aux arches de pierre. Je m'arrête
pour photographier les châteaux de Tanlay, d'Ancy-le-Franc
- particulièrement beau et entouré d'un
grand parc -, de Nuits, avant de m'extraire
de la vallée pour aller trouver l'abbaye de Fontenay.
Je consacre le temps qu'il faut à la visiter
patiemment, pour mon grand plaisir car tout y est très
agréable à contempler : les bâtiments
sont tous très bien conservés, leur architecture
est à la fois sobre et majestueuse, tant de l'extérieur
que de l'intérieur, et la clarté de leurs
pierres sous le soleil se marie parfaitement avec la
verdure du parc et le bleu magnifique du ciel d'aujourd'hui
! À Montbard comme
à Tonnerre, je me promène un peu dans
le vieux centre qui surplombe la ville. Je retrouve
ici le canal de Bourgogne et le suis de nouveau en direction
du sud-est jusqu'à bifurquer vers Semur-en-Auxois, une très belle ville
fortifiée dominant une boucle de l'Armançon. Quelques kilomètres
plus loin seulement, j'arrive à Alise-Sainte-Reine,
dont le nom proviendrait tout simplement d'Alésia
car ce serait ici qu'eut lieu le célèbre
siège des Gaulois de Vercingétorix par
les Romains de Jules César, en 52 av. J.-C. Outre
une imposante statue du chef gaulois, de plusieurs mètres
de haut et édifiée par Napoléon
III, l'intérêt du site consiste en une
visite des fouilles qui s'avère
très intéressante pour comprendre la façon
dont on vivait à cette époque : théâtre,
temple, commerces, puits... Les archéologues
doivent être fascinés, et il leur reste
encore beaucoup de travail. Tout
près se trouve un nouveau village médiéval
où je vais me promener,
Flavigny-sur-Ozerain, classé comme l'un des plus
beaux villages de France au même titre que Vézelay.
Je file ensuite tout droit
vers la butte de Thil, culminant à 480 mètres
d'altitude - ce qui permet d'admirer les environs -
et au sommet de laquelle trônent un château
et une collégiale, datant tous deux de la fin
du Moyen-Âge. Un peu plus loin, après avoir
traversé de tout petits et pittoresques villages
où de vieilles bâtisses semblant abandonnées
sont dans un état de délabrement avancé,
j'admire successivement les châteaux d'Éguilly et
de Chailly-sur-Armançon. Je
flirte encore un peu avec le canal de Bourgogne et
il est déjà l'heure de chercher un hébergement
pour cette nuit. Je mise sur Pouilly-en-Auxois et y
trouverai en effet mon bonheur, un hôtel-restaurant
assez cher mais je peux bien m'offrir cela après
une journée si bien remplie ! Après y
avoir très bien dîné, je ne tarderai
pas à aller me coucher.
POUILLY-EN-AUXOIS
- PARAY-LE-MONIAL (5 août,
240 km) 63
PHOTOS
Comme
chaque matin, je me lève tôt pour utiliser
la lueur du jour dès qu'elle se présente.
Et le soleil va encore briller toute la journée.
Au menu, pour commencer, deux châteaux, celui
de Commarin et surtout celui de Châteauneuf-en-Auxois.
Dans le cas de ce dernier, j'erre longuement dans le
village, extrêmement charmant sur sa colline,
avec ses vieilles maisons en pierre de taille et ses
ruelles presque désertes dans la lumière
rasante du petit matin ; il est d'ailleurs lui aussi
classé comme l'un des plus beaux villages de
France. J'aurais beaucoup aimé visiter le château,
magnifique forteresse médiévale, mais
il est bien trop tôt et je dois déjà
repartir. Retrouvant
le canal de Bourgogne et la vallée de l'Ouche
à présent, j'arrive à Barbirey-sur-Ouche,
réputé pour les jardins de son château.
Hélas, ici encore je ne peux entrer car les visites
n'ont lieu que l'après-midi. Je parviendrai malgré
tout à photographier ces beaux jardins par-dessus
le mur qui les ceint. Jeannette
et moi devons ensuite gagner de l'altitude pour franchir
les quelques reliefs qui nous séparent de la
plaine de la Saône. J'aperçois d'ailleurs
ici de nombreux cyclistes se lançant des défis
personnels. L'impression de hauteur est parfois bien
réelle, et la verticalité de certaines
parois bordant la route, impressionnante. C'est
ainsi que je débouche - c'est le cas de le
dire - sur une terre extrêmement réputée
de vignobles prestigieux ! Gevrey-Chambertin, Chambolle-Musigny,
Clos de Vougeot, Vosne-Romanée, Nuits-Saint-Georges,
Pernand-Vergelesses, Aloxe-Corton, Beaune, Pommard,
Auxey-Duresses... des noms qui fleurent bon, me direz-vous
! À ce propos, le doux parfum des raisins embaume ici
l'atmosphère sur plusieurs dizaines de kilomètres
! Je me passerai de la dégustation, j'ai un guidon
à tenir, mais je me rattrape avec les photos.
Et je ne peux passer à Beaune sans visiter les
célèbres hospices de l'Hôtel-Dieu,
aux toits polychromes si caractéristiques et
à l'histoire très intéressante. Ensuite, je
mets le cap au sud-ouest, m'éloignant
de la plaine de la Saône pour
atteindre La Rochepot et son sublime château puis
pour rejoindre, par de sympathiques petites départementales
sinueuses, les environs de Montceau-les-Mines (voir
anecdote). À Blanzy, je comptais visiter
le musée de la mine mais malheureusement la
dernière visite est déjà partie.
Dommage. Je
décide donc d'avancer de quarante kilomètres
supplémentaires, en empruntant la route qui longe
scrupuleusement le canal du Centre jusqu'à Paray-le-Monial. De nouveau
défilent les écluses, dont les sas sont
tantôt pleins
tantôt vides, et les maisons associées
à chacune d'elles me semblent encore habitées.
Vivre ici doit être plaisant ! Ce
soir, je tiens à plusieurs choses : pouvoir dormir
confortablement - je trouve un hôtel sans difficultés
à Paray-le-Monial - ; bien manger - je
vais dîner dans une brasserie - ; me coucher
tôt - après m'être tout de même
autorisé une promenade nocturne dans les alentours
de l'incontournable basilique - ; et je prévois
de me lever un peu plus tard que d'habitude demain matin.
Je mijote en effet quelque chose, secrètement, et j'aurai besoin d'avoir
toutes les aiguilles dans le vert...
PARAY-LE-MONIAL
- TOURNUS... et TOULON ! (6 août,
632 km) 60
PHOTOS
Je
suis donc en forme en me réveillant à
8h30. Mon premier objectif est d'aller photographier
le pont-canal de Digoin, à une douzaine de kilomètres
de là. Construites vers le milieu du XIXe
siècle, ses onze arches ancrées dans la
Loire permettent au canal du Centre de franchir le fleuve. Jeannette
me ramène ensuite à Paray-le-Monial où,
de jour cette fois, je marche dans le vieux centre,
dans la belle basilique à l'architecture clunisienne
et dans son cloître attenant. À propos de Cluny,
c'est ma prochaine destination, mais comme toujours
je vais un peu flâner sur le trajet. Je
m'arrête d'abord à Charolles et jette un oeil
à l'église et aux vestiges de l'ancien
château-fort, aménagés désormais
en jardin public. J'achète également de quoi grignoter pour la journée
et peut-être pour davantage. Plus à l'est, alors que je
progresse sur de petites routes, un panneau indiquant
la butte de Suin m'invite à y monter et je ne
regretterai pas de l'avoir suivi. Le village de
Suin est en effet perché à près
de 600 mètres d'altitude et offre un spectaculaire
panorama à 360°. Évidemment, des tables d'orientation
sont là pour aider le voyageur à décrypter
le paysage. J'atteins
finalement Cluny, site mondialement connu pour son abbaye,
devenu au Moyen-Âge le centre du plus important
ordre monastique et dont l'abbatiale Cluny III fut le
plus grand édifice de la chrétienté
jusqu'à la création de Saint-Pierre-de-Rome.
Jugez plutôt : 187 mètres de long pour
90 mètres de large ! Mais elle fut en grande
partie détruite, essentiellement pendant la Révolution
française. Il n'en subsiste aujourd'hui que quelques
vestiges chargés d'histoire, que je visite. Il
ne me reste plus qu'à piloter Jeannette jusqu'à
Tournus - en recherchant toujours les petites routes
départementales,
les cols et les villages « cartes postales »
- pour parvenir au terme de ce grand périple
à travers la Bourgogne que je m'étais
concocté et qui se sera révélé
inoubliable ! L'église romane de Tournus le conclut
donc, en m'impressionnant
par son élégance, sa hauteur et la grosseur
de ses piliers.
Et
voilà ! Au revoir la Bourgogne, et surtout merci,
à présent j'ai ma famille qui m'attend
au bord de la Méditerranée ! Non d'ailleurs,
c'est faux, je ne suis pas attendu du tout et bien au
contraire je brûle d'envie de créer la
surprise ! Ma grand-mère, dont ce sera justement
l'anniversaire demain, vit à Toulon et mes parents
s'y trouvent aussi actuellement pour lui rendre visite.
Alors en avant toute, plein sud ! Il est 16h40 quand
Jeannette et moi quittons Tournus par la Nationale 6,
retrouvant ainsi l'itinéraire suivi avec Ginette
en 2004 pour descendre en Corse, et je suis bien
décidé à le suivre une fois de
plus jusqu'au littoral
varois sans m'arrêter dormir ! Mâcon,
Villefranche-sur-Saône, quelques gouttes m'accompagnent. Large contournement de Lyon par l'ouest
effectué avec succès. Le moral est alors
au maximum car ensuite, rien de plus simple, il suffit
de longer le Rhône et c'est tout droit ! Il est
environ 20h30 lorsque je commence cette longue
descente du fleuve, par sa rive droite, comme en 2004,
car il y a là moins de circulation et moins de grandes
villes à traverser : Givors, Condrieu, Serrières,
Tournon-sur-Rhône, Saint-Péray, La Voulte-sur-Rhône,
Le Pouzin, Le Teil, Viviers, toutes très faciles
à passer, me permettent d'éviter Vienne,
Valence et Montélimar. Les
heures défilent et le petit phare blanc de Jeannette
perce la nuit à 40 km/h. Au niveau de Pierrelatte,
à 2 heures du matin, je passe rive gauche
pour récupérer la Nationale 7 en direction
d'Orange. Cependant, à la vue de très
violents éclairs qui sévissent droit devant
moi et malgré ma continuelle impatience d'avancer,
je décide plus sagement de m'arrêter et
de m'abriter en attendant que l'instabilité se
désagrège. Le porche d'un McDonald's fera
l'affaire, et un déluge s'abattra quelques instants
après ! Ouf, je suis au sec ! Je resterai là
pendant quarante minutes, comptant les secondes entre
les éclairs et les coups de tonnerre pour mesurer
la proximité de l'orage et son éventuel
éloignement, tant espéré. Les
choses finissent donc par se calmer et je reprends
la route qui est encore longue. Je traverse donc
Orange dont les rues sont vides bien sûr, passe près de l'Isle-sur-la-Sorgue, contourne
Cavaillon et file sur
Aix-en-Provence. Il est alors 6 heures du matin et l'obscurité,
imperceptiblement, commence à se faire moins
profonde. Exactement
comme en 2004, je réussis à m'égarer
dans la traversée d'Aix, ce qui me fait perdre
une précieuse demi-heure à mon grand regret.
Je finis par m'en sortir et retrouve la Nationale 7
: Fuveau, La Bouilladisse, La Destrousse, Roquevaire,
Gémenos, plaquez ces noms à vos oreilles
et vous entendrez peut-être la Méditerranée
s'approcher... Il fait
bien jour désormais, ce qui m'aide davantage
à garder les yeux bien ouverts et j'en ai besoin
car les quarante derniers kilomètres, par la
Nationale 8 sinueuse et très fréquentée,
ne sont pas des plus reposants. L'impatience d'arriver
me pousse à les décompter un à
un ! Les majestueuses gorges d'Ollioules, hélas
sous un ciel très laiteux, m'accueillent juste
avant que je n'entre enfin dans Toulon ! Il faut
encore traverser toute la ville et il y a beaucoup de
circulation. C'est
finalement à 9h40, soit 17 heures et 510 kilomètres
exactement après avoir quitté Tournus
(30 km/h de moyenne), que je parviens devant la maison
de ma grand-mère. L'immédiat sera consacré
à surprendre mes parents et ma grand-mère
comme je me l'étais promis ; la matinée,
à passer de bons moments avec eux ; l'après-midi,
à faire une bonne sieste récupératrice ; et les jours prochains,
à se reposer et à profiter des environs
!
QUELQUES
JOURS À TOULON (7
- 12 août,
128 km) 44
PHOTOS
Depuis
de nombreux mois, je n'ai pas pu rendre visite à
ma grand-mère toulonnaise aussi souvent que lorsque
j'étais enfant et je le regrette. Aujourd'hui,
je suis très heureux d'être (re)venu à
cyclomoteur jusqu'ici - qui plus est à l'occasion
de son anniversaire - car cette épreuve prend
un goût de preuve d'amour. Je
décide donc de passer une petite semaine sous
le soleil azuréen en compagnie de ma famille.
Mais comme toujours, je ne tiens pas en place. J'ai
besoin de ma dose quotidienne de kilomètres et
d'air extérieur. Toutefois, je ne souhaite pas
non plus en demander trop à Jeannette car elle
aura déjà bien assez d'efforts à
fournir pour me ramener à Longpont ! Où
pourrais-je donc me rendre pour profiter des environs
proches et figer de beaux paysages ? Une
carte me rappelle l'originalité des alentours
puisqu'on y trouve à la fois la mer et la montagne. Trois sommets, en particulier, dominent l'agglomération
toulonnaise et offrent une vue grandiose sur le littoral
: le Mont Faron à 584 mètres, le Mont
Caume
à 801 mètres et le Mont Coudon à
702 mètres. Le
premier, je le connais très bien pour m'y être
rendu à maintes reprises avec ma famille, en
voiture, mais aussi une fois avec Ginette en 2004, au
retour de la Corse. Jeannette m'y emmène à
nouveau, lentement mais sûrement, sans se plaindre,
le 10 août au matin sous un ciel quasiment
parfait ! Superbe ! Le
second, je n'y suis monté qu'une seule fois et
c'était en voiture avec ma grand-mère.
Le 11 août au matin, j'y grimpe avec Jeannette sans aucun problème en
me penchant dans d'innombrables virages
et épingles à cheveux. Mais comme sur
le Mont Faron la veille, je croise de nombreux cyclistes
bien plus méritants que moi ! Depuis le sommet
du Mont Caume, le ciel dégagé me permet
d'admirer toute la côte entre la presqu'île
de Giens à l'est et La Ciotat à l'ouest,
c'est-à-dire à près de 30 km à
la ronde ! Enfin, le
12 août en fin d'après-midi, je
m'attaque à l'ascension du Mont Coudon et,
cette fois, c'est une première pour moi. Ce jour-ci,
le ciel est plutôt brumeux vers la mer, en revanche
vers l'intérieur je peux encore voir très
loin. L'impression de hauteur, elle, est toujours aussi
forte face à un à-pic vertigineux ! À vous de prendre votre envol en regardant les photos
rapportées de ces trois escalades !
TOULON
- PIGNAN (près de Montpellier) (13
août,
284 km) 26
PHOTOS
«
Et
le plus souvent / Lundi sera dimanche » (Léo
Ferré, L'Âge d'Or). Aujourd'hui
c'est lundi et j'ai ces vers dans la tête car,
on s'en doute, je serais si heureux que tous les lundi
de ma vie pussent ressembler à celui-ci ! C'est
tôt le matin que je quitte la maison de ma grand-mère
au guidon de ma fière monture, en direction de
l'ouest à présent ! En réalité,
je commence par reprendre en sens inverse
l'itinéraire par lequel je suis arrivé
mardi dernier, par les gorges d'Ollioules et le circuit
du Castellet. À La Destrousse, je bifurque vers
Gardanne et Bouc-Bel-Air, évitant ainsi Marseille
et Aix-en-Provence mais ne manquant pas pour autant
le beau panorama sur la Montagne-Sainte-Victoire, célèbre
pour avoir été maintes fois peinte par
Paul Cézanne. Après
une pause sous le majestueux aqueduc de Roquefavour,
à l'ouest d'Aix, je poursuis ma route
à travers ces paysages provençaux assez
secs, mais l'eau n'est jamais loin et pour preuve :
je contourne bientôt par le nord le vaste
Étang de Berre. Istres est traversée facilement
et j'atteins tranquillement une curiosité
qui m'avait attiré en préparant ce voyage
: le bac de Barcarin. Il permet de traverser le Grand
Rhône quand le premier pont se trouve environ
30 km plus au nord ! Et croyez-moi, tout comme le bac
pris avec Ginette en 2005 pour traverser le Rhin en
Allemagne, celui-ci s'emprunte avec une étonnante
facilité. Je n'ai même pas eu à
attendre pour monter à bord, la traversée
dure à peine quelques minutes, et en plus c'est
gratuit pour les deux-roues de 50 cm3 ! Génial ! Laissant
Port-Saint-Louis-du-Rhône derrière moi,
j'arrive ainsi à Salin-de-Giraud et dans
la Camargue par la même occasion ! On le devine,
cette région du delta du Rhône constitue
un milieu bien particulier, très plat, où
les marais sont rois ; ils sont d'ailleurs extrêmement
riches en flore et faune sauvages et je parviendrai
à apercevoir certains des célèbres
flamands roses. Utilisant le plus possible les petites
routes, je longe les rives de l'Étang de Vaccarès
avant de rejoindre Aigues-Mortes et ses remparts monumentaux.
Et puis vient la route de la côte, celle qui dessert
des plages et des complexes touristiques devenus aussi
célèbres que Le Grau-du-Roi, La Grande-Motte,
Carnon-Plage, Palavas-les-Flots. Évidemment, en cette
mi-août, il y a un monde fou et j'y progresse
difficilement. Je n'ai
plus alors qu'à contourner Montpellier
par le sud-ouest pour atteindre Pignan où m'attend
la familel CAUX, des amis rencontrés
par Internet grâce à ce site en mars 2006,
donc bien avant le vol de Ginette. Depuis ce moment,
une correspondance régulière s'était
établie entre eux et moi, en particulier avec
Maurice, le père, motard, et Quentin, son fils
cadet, cyclomotoriste. Après donc s'être connus
virtuellement, nous attendions avec beaucoup d'impatience
cette rencontre, bien réelle enfin, et l'avions
prévue depuis mon départ de Longpont.
Et quel accueil ! Je tiens sans plus attendre à
écrire un grand MERCI à Maurice,
Marilyne, Grégoire, Quentin, Sandra et Carmen
pour leur extrême gentillesse, au point que j'ai
très vite eu l'agréable sensation de faire
partie de la famille ! Nous dînons tous ensemble,
sur la terrasse, en parlant de Ginette.
JOURNÉE
À PIGNAN (14
août,
12 km) 6
PHOTOS
Maurice
et moi consacrerons une bonne partie de la journée
à bricoler sur Jeannette. En effet, au cours
de l'étape d'hier, j'ai eu l'impression qu'elle
fonctionnait un peu moins bien qu'auparavant. Bien sûr,
je sais que je ne dois pas m'attendre à ce qu'elle
hérite de l'inoubliable dynamisme de Ginette
mais, à présent, la mollesse de ses accélérations
et le plafonnement de sa vitesse me semblent s'être
accentués. Alors comme Maurice s'y connaît
en mécanique - domaine dans lequel je suis encore
loin d'être à l'aise -, on démonte
et on inspecte le carburateur, l'allumage et le pot.
J'apprends d'ailleurs beaucoup de choses. Cependant,
malgré tous nos efforts, on ne parvient pas à
rendre Jeannette plus nerveuse ni plus rapide. Sur de
longs trajets, en intégrant les temps de pause,
ma vitesse moyenne est d'environ 30-32 km/h alors
que Ginette pouvait tenir le 38-40 km/h sans difficulté.
Évidemment, cela change beaucoup de choses !
Mais
bon, elle roule quand même, c'est le principal,
toutes ses pièces sont neuves après tout
! Peut-être encore trop neuves ? La
mob de Quentin, le fils de Maurice, a de l'énergie
à revendre par contre et me rappelle avec nostalgie
la grande Ginette. Le soir, Quentin et moi parlerons
justement de route et de voyages en regardant la carte
de France et en rêvant ! L'épisode
marquant de la journée est indéniablement
la virée en moto que je fais avec Maurice
et sa nièce Sandra. Elle prend les commandes
d'une 650cc de 1980 tandis que Maurice me conduit
sur sa 1300cc de 2003 ! Ensemble, nous partons
rouler une centaine de kilomètres vers les reliefs
de l'arrière-pays, marquant une première
pause au Pont du Diable, dans les gorges de l'Hérault,
près de Saint-Guilhem-le-Désert,
et une seconde pause au sommet du Mont Saint-Baudille,
premier contrefort des Cévennes culminant à
847 mètres. De là-haut, nous pouvons contempler
tous les environs jusqu'à plusieurs dizaines
de kilomètres à la ronde ! Nous y restons
donc quelques instants pour bien en profiter puis rentrons
à Pignan. Si j'ai écrit que cette excursion
avait été un épisode marquant,
c'est en raison des sensations folles que m'a procurées
la moto de Maurice, archi-puissante évidemment
par rapport à Jeannette ! Il faut dire aussi
que le conducteur n'y est pas allé de main morte,
même sur des routes sinueuses ! Jamais je n'avais
connu de telles accélérations, ce fut
franchement impressionnant ! Enfin,
après le dîner et une fois la nuit tombée,
Maurice m'emmène voir la mer à bord d'une
autre moto, une 550cc de 1974 avec un moteur 2 temps
! Une sacrée machine avec un sacré bruit
! Nous écoutons les vagues déferler et
discutons avant de rentrer à la maison. Cette
journée aura donc eu un esprit très «
deux-roues »
!
PIGNAN
- CABANUT (dans les Corbières) (15
août, 139 km) 7
PHOTOS
Je
passe à nouveau la majeure partie de la journée
chez mes amis. Maurice et moi essayons encore de travailler
un peu sur le moteur de Jeannette mais toujours sans
obtenir de nette amélioration. Nous hésitons
même : vaut-il mieux que je reparte aujourd'hui
comme prévu ou bien que je reste pour qu'on amène
Jeannette chez un garagiste demain (aujourd'hui est
férié) ? Avec
Quentin, je regarde « Le cheval de fer », un
très bon film-documentaire sur le Championnat du monde
de vitesse motocycliste (Continental Circus) en 1974. Finalement,
vers 15 heures, je décide de respecter mon programme
et donc de faire confiance à Jeannette : après
avoir passé près de 48 heures en leur
si sympathique compagnie, je dis donc au revoir à
tous les CAUX et les remercie encore chaleureusement.
Ils m'auront fait passer d'inoubliables moments, ils
m'auront beaucoup amusé, et surtout ils m'auront
confirmé que le contact humain
est tellement fondamental et qu'internet ne pourra jamais le remplacer
! Je repars donc sur
les routes du sud avec ma compagne de voyage. À l'origine,
je souhaitais passer par Sète pour saluer l'ami
Brassens mais Maurice m'a déconseillé
de longer la côte en raison de la surpopulation
estivale ! C'est donc par de petites départementales
- voire très petites - que je vais rejoindre
les Corbières et éviter de traverser de
grandes villes comme Pézenas, Béziers
ou encore Narbonne. Pour ceux qui connaissent, je
passe principalement par Montagnac, Thézan-lès-Béziers,
Capestang, Sallèles-d'Aude, Ornaisons et Montséret.
Jeannette ne roule pas si mal, moins vite que Ginette
certes mais, finalement, pas plus lentement qu'à notre départ
de Longpont. Après
donc quatre heures de route à travers l'Hérault
et l'Aude, au cours desquelles j'aurai également traversé
le canal du Midi, je trouve enfin le paysage sec
et très rocailleux des Corbières que je
connais assez bien. Je savoure chaque kilomètre
à l'idée d'être venu jusqu'ici grâce
à mon petit cyclomoteur ! C'est fantastique ! À partir de Durban-Corbières, il me faut emprunter
sur trois kilomètres une toute petite route mal
entretenue errant parmi la garrigue et quelques parcelles
de vignes. C'est ainsi que j'arrive à Cabanut,
une sorte de lieu-dit mais qui n'est indiqué
par aucune pancarte. Mon oncle y possède depuis
plus de vingt ans une vieille bergerie restaurée.
Avec beaucoup de plaisir, je l'y retrouve ainsi que
mon petit cousin Félix. Soirée familiale
très agréable dans le silence absolu de
cet endroit.
QUELQUES
JOURS À CABANUT (16
- 18 août,
18 km) 5
PHOTOS
Jeannette
et moi élisons domicile ici pour trois jours.
De la famille et d'autres amis viennent, passent ou
restent. Au programme ? Du repos, des repas, des moments
de rire et d'autres plus sérieux pour faire progresser
les différents « chantiers » entourant
la bergerie. Chaque fois que je viens ici, il y a toujours
quelque chose à faire ! Rassembler des pierres,
aller chercher du bois, débroussailler (beaucoup),
nettoyer... À côté
de tout cela, j'ai permis à mon petit cousin
Félix d'effectuer son baptême de mob !
Il a 16 ans mais n'est encore jamais monté sur
l'un de ces drôles d'engins et pourtant ça
le démangeait un peu ! Je lui ai donc enseigné
les règles de base et l'ai laissé faire
quelques allers-retours sur le chemin. Puis, comme je
le sentais à l'aise et qu'il souhaitait descendre
au village de Durban pour faire une course (six kilomètres
d'une route en mauvais état pour y aller et revenir),
j'ai accepté de lui abandonner les commandes
de Jeannette pour l'occasion. Cela s'est passé
sans aucun problème, l'expérience lui a beaucoup
plu et apparemment il ne s'est pas fait de frayeur.
En revanche, lorsqu'il a retenté l'expérience
le surlendemain, les graviers ont décidé
de ne pas lui faire de cadeau et de jouer aux traîtres,
ou plus sérieusement de le rappeler à
l'ordre dès qu'il a surestimé sa maîtrise
de la machine et qu'il s'est permis d'accélérer
un peu trop.
Vous l'avez compris, il a chuté, mais heureusement
il y eut plus de peur que de mal. Il s'est surtout éraflé
le genou droit. La mob, quant à elle, a bien
tenu le coup ; le seul ennui gênant
est que la fourche s'est tordue et que, malgré
mes efforts pour la remettre droite, elle resterait légèrement
de travers. C'est donc
Félix qui aura « baptisé » Jeannette.
Bien sûr, cet incident m'a tracassé, mais
il faut toujours se dire qu'il aurait pu tourner bien
plus mal. Je suis d'ailleurs convaincu que c'est en
se frottant aux difficultés qu'on apprend, donc
Félix a appris et ça c'est
important à mes yeux. Moi-même,
je descendrai au village à quelques reprises
et il faut bien reconnaître que cette petite route
y menant, avec ses cailloux, sa poussière et
ses nids de poule, est bien dangereuse pour quiconque
découvre la conduite à deux-roues.
Cabanut
est un lieu magique qui ne perd absolument pas de sa
quiétude au fil des ans. C'est là, loin
des lumières artificielles, que j'ai pu admirer
les nuits étoilées les plus somptueuses
de ma courte vie. C'est un tableau d'une beauté
qui ne peut être que difficile à imaginer
! C'est aussi là, certainement, que j'ai pu écouter
les silences de la Nature les plus assourdissants qu'il m'ait
été donné d'entendre.
CABANUT
- SAINT-MICHEL-D'ENTRAYGUES (près d'Angoulême) (19
août,
491 km) 13
PHOTOS
L'étape
d'aujourd'hui n'en sera pas des moindres. Je dois
traverser, de la façon la plus directe possible,
tout le sud-ouest de la France dans le sens sud-est
/ nord-ouest pour rejoindre ma petite amie Lucie
à Angoulême. Cet itinéraire extraordinairement
riche du point de vue des curiosités mériterait
à lui seul que l'on y consacre plusieurs jours
voire plusieurs semaines ! Il sera donc un peu frustrant
d'y passer comme une fusée (toutes proportions
gardées) mais cela était prévu
depuis le départ : les véritables flâneries
ne se limiteraient qu'à la Bourgogne. À 6h51, alors que le soleil se cache encore derrière
les collines et que tout le monde dort, je lève
l'ancre au guidon de ma Jeannette qui semble avoir toujours la
même envie d'avaler des kilomètres ! En
remontant donc vers le nord, je passe un peu à
l'ouest de Lézignan-Corbières et entre
dans le pays du Minervois. Le franchissement de la Montagne
Noire par le col de la Prade à 774 mètres
d'altitude - via une route sinueuse bien sûr,
traversant Cabrespine et Pradelles-Cabardès -
constitue alors une des seules portions un peu «
techniques »
de la journée. Le ciel se couvre et il pleut
légèrement, je ne profiterai donc pas
de la vue, tant pis. Je redescends sur Mazamet et
y arrive par une ancienne petite vallée industrielle. De
là, je reprends des départementales
plus larges, plus rectilignes et plus planes à
travers le département du Tarn : Castres, Lautrec
perché sur son promontoire, Graulhet, Gaillac.
Toulouse n'est qu'à 50 km plus à l'ouest.
Le temps s'est un peu amélioré, Jeannette
avance bien et les paysages méridionaux me ravissent
les yeux. Bientôt, j'emprunte à nouveau
de plus petites routes qui me mènent successivement
à Vaour et à Saint-Antonin-Noble-Val,
très charmant village du Tarn-et-Garonne niché
dans les gorges de l'Aveyron. Je le traverse lentement
car les touristes y abondent. Et
les kilomètres usent le compteur comme les heures
usent la montre ! Caylus et la traversée de
son camp militaire, Concots, le département du
Lot, le pays du Quercy, Cahors magnifique surplombant
un méandre du Lot, Mercuès, puis de nouvelles
petites routes via Uzch, Peyrilles et Concorès.
C'est ainsi que je parviens, au sud de Gourdon, en
un lieu précis que je souhaite apercevoir ou
même
voir de près : le château de Pechrigal
où le grand Léo Ferré, que j'admire
tellement, vécut dans les années 1960.
Ce château, trônant sur une colline boisée,
m'impressionne beaucoup par sa fière allure s'élevant
par-dessus les arbres. Il me saute ainsi aux yeux un
ou deux kilomètres avant d'en atteindre l'entrée.
Cependant - je le savais -, je ne peux pas en voir davantage
car il fut racheté en 1998 et est donc privé. Qu'importe ? Je suis très heureux
d'être venu ici et d'avoir, pour ceux qui comprennent,
une pensée pour l'artiste et sa Pépée. Je
traverse donc Gourdon et prends la direction de Sarlat
et de Périgueux. À présent c'est tout
droit et par conséquent je commence à
sentir l'arrivée... même s'il reste encore
200 kilomètres ! Hélas, je vais vite déchanter
lorsque, juste avant d'entrer dans Les Eyzies-de-Tayac,
j'entends un très vilain bruit et sens que le
moteur ne répond plus ! Ô malheur, ma chaîne
a sauté ! Je crains d'abord qu'elle se soit rompue
et suis désespéré en m'imaginant
coincé ici, mais quel n'est pas mon soulagement
lorsque je constate que, trop détendue, elle
a simplement déraillé. J'ai les outils
nécessaires pour régler ce problème
mais cela prendra tout de même une demi-heure
au novice en mécanique que je suis ! En outre,
je dois faire attention car je suis au bord de la chaussée
où les voitures passent vite et un important
fossé m'empêche de m'en éloigner.
Évidemment, quelle jouissance de réussir cette
réparation et de pouvoir repartir vers ma Dulcinée
! La traversée
de Périgueux s'effectuera sans souci et les premiers
panneaux indiquant Angoulême me feront un bien
fou ! Le crépuscule approche, l'impatience d'arriver
fait s'allonger les kilomètres, je chante beaucoup
pour les raccourcir. Je passe par Brantôme,
Mareuil, m'introduis enfin en Charente après la Dordogne
et son art de vivre périgourdin, puis à
Dignac, dans la nuit, ô surprise ! Ma petite amie
Lucie est venue à ma rencontre avec la
moto 125 de mon père ! (Elle est chez elle depuis
plusieurs mois, c'est une longue histoire.) Quelle
joie de la retrouver après toutes ces heures
de route ! C'est donc en duo et en s'amusant avec nos
montures que nous parcourrons, sur de petites routes
désertées, les quinze derniers kilomètres
de la journée ! Touchant le but peu avant 23h,
Jeannette et moi aurons foulé l'asphalte pendant 16 heures exactement pour couvrir ces 491 kilomètres.
Fatigué ? Oui mais sans plus. On repart quand
?
QUELQUES
JOURS À SAINT-MICHEL-D'ENTRAYGUES (20
- 24 août,
0 km)
Un
temps assez pluvieux sur Angoulême pendant les
jours suivants dissuada Lucie et moi de trop
mettre notre nez dehors. Ce furent donc surtout des
journées de repos. Avec sa cousine Aurélie,
nous sommes tout de même allés visiter
quelques magasins de moto pour admirer de belles montures
de toutes sortes. Jeudi
23, Lucie et moi avons pris la voiture pour
aller déjeuner chez des amis vivant au sud de
Poitiers, à Aslonnes précisément. Peut-être
vous en souvenez-vous : je m'étais déjà
arrêté chez eux avec Ginette en 2005. Nous
passons plusieurs heures ici, en particulier avec Sylvain,
le cadet de la famille, passionné lui aussi de
mobs. Il nous présente notamment la vieille Mobylette
bleue de 1959 qu'il a récupérée
il y a trois ans et qu'il a entièrement et patiemment
restaurée pour lui redonner presque toute son
allure d'autrefois. Il nous fait également la
visite d'une cabane en bois qu'il a construite avec
ses cousins dans la forêt entourant la maison ! Ils
y dorment régulièrement ! Je
prévois de revenir ici le surlendemain pour une
rapide halte, à deux-roues cette fois, lorsque
je rentrerai d'Angoulême à Longpont avec
Jeannette. Et oui, il faudra quand même bien que je la montre à
Sylvain !
SAINT-MICHEL-D'ENTRAYGUES
- LONGPONT-SUR-ORGE (25
août,
438 km) 17
PHOTOS
Voici
que mon périple à travers la France
va toucher à sa fin ! Mais la satisfaction et
le plaisir de fermer la boucle entamée il y a
trois semaines et demi ne pourront se récolter
qu'au prix d'une nouvelle étape de taille. La
traversée d'une partie non négligeable
du pays, c'est le menu de ce dernier jour dont j'ai
choisi la date en fonction de la météo.
En effet, aujourd'hui, les choses s'améliorent. C'est
à 7h12 que je donne le coup d'accélération
initial, devant la maison de Lucie. Les remparts
sud du plateau d'Angoulême sont dissimulés
derrière une nappe de brouillard tandis que le
côté nord reste dévoilé.
Le brouillard ne m'abandonne pas pour autant car
j'en traverse des couches régulières
au cours des vingt premiers kilomètres, ce qui
me permet de faire quelques jolies photos de la campagne
charentaise se réveillant doucement. Dans un
tout petit village, une borne indiquant « Paris,
410 kilomètres » provoque bien sûr
mon étonnement et mon amusement. Après Mansle, Ruffec,
Civray, Romagne et Champagné-Saint-Hilaire, Jeannette
et moi touchons de nouveau Aslonnes où je retrouve
mon ami Sylvain. J'y reste quelques minutes, le temps
que chacun présente fièrement sa nouvelle
monture à l'autre : il vient en effet d'acquérir, hier-même, une magnifique Honda Shadow
125 d'occasion qui brille de mille feux ! Une très
belle bête ! Pour
contourner Poitiers et à la fois couper au plus
court, je décide de me déporter vers l'est
: Nieul-l'Espoir, Fleuré, Chauvigny dont les
ruines perchées de l'ancien château sont
chaque jour le théâtre d'un impressionnant
spectacle d'oiseaux du monde entier - surtout des rapaces
- qui effectuent de captivantes prouesses aériennes
! Puis c'est Angles-sur-l'Anglin, l'un des plus beaux
villages de France (encore un !) qui se trouve aux confins
de la Vienne ; celui-ci doit toute sa beauté et
son titre honorifique
à sa paisible rivière couverte de quelques
nénuphars, à son grand moulin à
eau, à ses saules pleureurs, à sa falaise
surmontée des ruines d'une forteresse médiévale
et à sa charmante ville haute. Le tableau tout
entier est empreint d'un évident romantisme
! En atteignant Azay-le-Ferron
et la route de Saint-Aignan quelques kilomètres
plus loin, je retrouve un itinéraire que je connais
strictement par coeur, si rectiligne qu'il me permet
presque de rouler jusqu'à l'arrivée comme
à vol d'oiseau ! Mais c'est bien un cyclomoteur
que je possède et il a parfois soif de carburant
! Voilà qu'à un moment, je manque de peu
de tomber en panne d'essence, mais je trouve finalement
mon bonheur à Châtillon-sur-Indre. Ouf
! Mon fameux itinéraire
me fait passer entre la Brenne et la Touraine et me
mène droit en Sologne. J'y aperçois rapidement
le château de Cheverny que je connais très
bien. Jeannette avance toujours sans problèmes,
lentement mais sûrement, j'ai dû retendre
sa chaîne à un moment mais tout va bien,
pourtant je lui accorde très peu de repos. Après
onze heures de route - et, comme toujours, de très
nombreuses chansons récitées -, j'entre
enfin dans l'agglomération d'Orléans,
une ville que j'ai appris à beaucoup aimer après
y avoir étudié pendant trois ans. Une
dernière pause dans une dernière station
service et c'est parti pour la dernière étape,
les cent derniers kilomètres et notamment la
traversée de la Beauce, toujours aussi plane,
infinie, imperturbable, et nourricière. Le jour
décline. C'est si curieux de se retrouver par
ici, où ma route remontant vers le nord se
rapproche de plus en plus de celle qui me mena vers
le sud, alors que ces deux routes s'étaient tant
éloignées ! La
Nationale 20, depuis Étampes, me ramène définitivement
au bercail. Je touche la maison à 21h21,
au terme donc d'une étape de quatorze heures
et neuf minutes. C'est bien sûr avec un petit
pincement au coeur que je prends conscience de la fin
de ce merveilleux voyage, si riche en souvenirs ! J'aurais
très volontiers poursuivi notre errance en France
; j'aurai remis notre retour à plus tard et ce,
ad lib. Que veux-tu mon grand, si la boucle doit être
bouclée, ce n'est que pour mieux repartir ! Repartir...
repartir... repartir toujours...
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