1.
LE VOL ET LE CHAGRIN
Jeudi 14 décembre 2006 - Brest
À 19h30, je me rends avec Ginette
rue de la Résistance (quartier Saint-Pierre),
chez une camarade de promotion où je retrouve également
deux autres amis. Tous les quatre, nous travaillons
toute la soirée sur un exposé de chimie
à présenter le lendemain. Le sujet ? «
La
rade de Brest est-elle un écosystème menacé
par les apports anthropiques ? » L'appartement
est au deuxième étage d'un petit immeuble,
où nous nous retrouvons pour la seconde fois
de la semaine, et comme la fois précédente
je gare Ginette devant, dans la rue, sur le trottoir. Fidèle à
mon habitude - sûrement trop peu raisonnable -
j'entrave simplement sa roue arrière avec le
petit cylindre métallique à clef, présent
à l'origine sur le cyclomoteur. Je ne l'attache
donc à rien de fixe. Et pendant que nous travaillerons,
Ginette sera volée dans la rue, probablement
en étant chargée par deux personnes à
bord d'une camionnette. À
0h20, nous descendons tous les quatre avant de nous
dire au revoir. Et là, bien sûr, stupéfaction.
Il n'y a rien, plus rien, à l'endroit où
j'avais laissé Ginette. Pourtant je ne doute
pas du lieu, c'était bien ici, je ne suis pas
fou. Je suis évidemment effondré, mais
pendant deux minutes le choc est tellement puissant
qu'il m'empêche encore d'admettre tout à
fait la réalité. Je téléphone
à la police, on prend ma déposition en
m'assurant d'envoyer une patrouille et on me dit de
déposer plainte, soit de suite au commissariat
central qui est ouvert 24 heures sur 24, soit le lendemain.
Je téléphone également à
ma petite amie Lucie, qui est à Lyon,
et là, en lui parlant, je craque, je pleure,
je crie. J'appelle enfin mes parents mais ils doivent
dormir car je tombe sur le répondeur, je leur
laisse un message. Mes camarades,
compatissants bien sûr, se proposent pour me raccompagner
à mon studio en voiture mais je refuse, préférant
rentrer seul, à pied, dans la nuit, le casque
à la main, symboliquement, évacuant mon
chagrin de mille façons, mais me forçant
à regarder loin devant moi plutôt que le trottoir,
à garder la tête haute. À mon studio, je
rappelle Lucie qui me propose de venir à
Brest pour me réconforter. J'appelle ensuite
longuement mon frère Nicolas, très chagriné
à son tour et de fait, il était l'acheteur
originel de Ginette. Je
sombre de fatigue et de tristesse vers 3h du matin,
après avoir quand même révisé
un peu la présentation orale de l'exposé
du lendemain. Pour l'anecdote, mes amis et moi avions
hésité, dans l'après-midi, sur
le lieu où nous nous donnerions rendez-vous le
soir. Avec des « si »...
Vendredi 15 décembre 2006 - Brest
Mon amie devant chez qui le vol
a eu lieu m'amène en voiture à l'université,
où nous retrouvons nos deux autres camarades.
Comme prévu, nous présentons tous les
quatre notre exposé. Juste après, je quitte
la salle et repars, à pied cette fois, pour rentrer
sur Brest (7 km), désireux de déposer
ma plainte au plus tôt. Mais il me faut encore
attendre un duplicata de mon assurance puisque j'ai égaré
le papier vert. De
retour à mon studio, j'envoie un e-mail général
à toutes les personnes m'ayant écrit par
Internet depuis la création de ce site, en mars
2005, soit environ 130 personnes, pour leur faire part
évidemment de la nouvelle. Dans l'après-midi
et la soirée, je reçois de certains, en
réponse, les premiers messages de soutien. Désemparé
par l'événement, convaincu que Ginette
a disparu pour de bon et n'imaginant pas une seconde
pouvoir la retrouver dans cette agglomération
de 250 000 habitants, c'est sur les conseils de mon père
que je publie
sur la première page de mon site un « avis
de recherche » invitant la communauté des
internautes à m'aider à retrouver Ginette.
J'y promets une récompense dans la mesure de mes
moyens d'étudiant, demande bien sûr
aux voleurs de me rendre mon engin - n'ayant d'ailleurs
plus aucune valeur économique - et d'y faire
attention car il est fragile ! Je compose également
un avis de recherche au format A4 dans l'objectif de
l'imprimer en nombre et de le distribuer dans les boîtes
aux lettres ou de l'afficher chez les commerçants. Je reçois dans le même
temps, par e-mail, le duplicata de mon assurance qui me
permet enfin d'aller déposer ma plainte au commissariat
central de la ville. J'évoque brièvement
à l'agent de police les voyages réalisés
avec mon deux-roues, l'importance qu'il a pour moi,
je lui parle même de son surnom et de la (fausse
mais pas illégale) plaque d'immatriculation. Je ne
peux m'empêcher d'avoir les larmes aux yeux et
le policier, bien que peu expressif, semble comprendre
mon désarroi. Lucie
arrive spécialement de Lyon par le train (7 heures
de trajet) à minuit ! Quelle joie de la retrouver
et particulièrement dans ces conditions ! La
journée du lendemain, samedi 16 décembre,
sera entièrement consacrée à se
changer les idées, avec elle, profitant notamment
du beau temps et du marché de Noël de Brest.
2.
AIDEZ-MOI
Dimanche 17 décembre 2006 - Brest
Au réveil, je reçois
un e-mail de mon adorable « cyber-ami » Franck,
résidant près de Nantes, ancien policier
national : son message est plein de compassion mais
aussi plein d'encouragements à ne pas baisser
les bras et de conseils pour lancer les bonnes initiatives.
Je me dis alors : « Au travail ! ». J'envoie
des e-mails aux institutions locales (la mairie de Brest,
la communauté urbaine de Brest) et surtout aux
médias locaux ou nationaux : Le Télégramme, Ouest-France, France 3, Yahoo Actualités,
ainsi qu'à l'AFP (Agence France Presse). Dans
chaque e-mail, je raconte en quelques phrases l'importance
qu'avait Ginette à mes yeux - en précisant
notamment qu'elle avait une place réservée
au Musée Peugeot de Sochaux -, sa mésaventure,
et j'invite ces destinataires à consulter mon
site 103ginette pour y trouver de plus amples informations
comme les récits de mes périples. Je conclue
mon texte en leur demandant de m'aider à répandre
l'avis de recherche. Je
recense sur les Pages Jaunes et localise sur un plan
de Brest les magasins de cycles et les déchetteries
des alentours, prévoyant de m'y rendre dans la
semaine pour déposer mon avis. Conscient, d'ailleurs,
que la semaine qui s'annonce promet d'être chargée
et qu'il me faudra sûrement être assez mobile,
je loue une voiture sur Internet à partir du
lendemain. J'envoie enfin
un e-mail collectif à tous les étudiants
- 1ère et 2nde année - de mon Master et même
à une dizaine de professeurs de mon université
: puisqu'ils fréquentent tous l'agglomération,
ils sont susceptibles d'apercevoir ma jolie machine.
À leur tour, ils me témoigneront leur soutien,
et nombre d'entre eux transféreront l'avis de
recherche à tous leurs contacts brestois.
Lundi 18 décembre 2006 - Brest
Le matin, je vais chercher près
de la gare la voiture de location que j'ai réservée
par Internet la veille. À
l'université, j'apprends
par des camarades que l'e-mail a tellement bien circulé
que certains l'ont déjà reçu plusieurs
fois ! À la pause déjeuner, je me fais faire
une carte d'impression-photocopies à la bibliothèque
universitaire pour pouvoir imprimer mon avis de recherche
mais je m'aperçois que les imprimantes de l'établissement
ne travaillent qu'en noir et blanc. Le
soir, j'appelle le journal ParuVendu pour y faire publier
une annonce et je demande à ce qu'elle soit publiée
pendant six semaines, c'est-à-dire le maximum.
Mardi 19 décembre 2006 - Brest
Je ramène Lucie
à la gare très tôt le matin : elle
rentre déjà sur Lyon où les études
l'appellent. Je me
rends dans une boutique de reprographie, rue Jean-Jaurès,
et demande au vendeur 150 photocopies en couleur de
mon avis de recherche au format A4. Yeux écarquillés
de celui-ci. Il tape sur sa calculatrice : cela fera
135 euros ! C'est un peu élevé pour mon
budget, alors je descends à 100 exemplaires pour
90 euros. Puis, avec
deux camarades de promotion, je m'en vais passer toute
la journée à Landévennec (en Presqu'île
de Crozon) pour « faire du terrain » comme disent
les géographes : dans notre cas, il s'agissait
de sillonner une zone d'étude avant d'y cartographier
l'occupation du sol sur informatique. En
rentrant, assez tard, je vois que j'ai reçu de
nouveaux messages de soutien dont deux par des personnes
ayant appris la nouvelle dans... Le Télégramme,
ce jour-même ! Quelle surprise ! Il
est 19h27, je descends en courant au bar-tabac-presse
du coin de la rue, c'est encore ouvert, ils ont bien
Le Télégramme, mais je n'ai pas de monnaie.
À tout hasard je demande à la buraliste si elle
prend la carte bleue (pour 0,75 centime !) : «
Ah
non monsieur ». Quelle question ! Elle me prend
visiblement pour quelqu'un de bizarre... Je m'assure
qu'elle ne s'apprête pas à fermer et je
cours de nouveau à 200 mètres de là
pour retirer de l'argent à un distributeur, je
remonte ensuite la rue toujours en courant et j'achète
enfin le journal ! J'y découvre
le premier article au sujet de Ginette, paru donc dans
Le Télégramme, intitulé
« Crasse de meule ! ». Je
suis interloqué mais je ne suis qu'au début
de mes surprises. En effet, en revenant à mon
studio, je lis un autre e-mail arrivé dans la journée
de la part d'un journaliste de l'AFP - Hervé
Cressard - qui me dit être intéressé
pour écrire un papier sur Ginette et qui m'invite
à le rappeler sur son portable. Quand je l'ai
en ligne, il me dit qu'il est justement en train de
regarder mon site et il me pose plusieurs questions
au sujet de Ginette, de son histoire, de son vol, et
également de la réaction des internautes
face à l'événement. Je lui confirme
alors que j'ai déjà reçu une soixantaine
d'e-mails extrêmement gentils. À la fin de notre
conversation, il me répète qu'il envisage de publier
une dépêche, vraisemblablement le lendemain. En
raccrochant, je décide alors de recopier sur
mon site, chronologiquement, tous les messages reçus
(sauf un que je trouve particulièrement expressif
et que j'affiche en tête de liste), de sympathie,
d'encouragement, de compassion, qu'ils m'aient été
envoyés par des amis ou par des inconnus. À ce
moment-là, j'en ai reçu 59 et je travaille
de minuit à 2h30 pour les taper un à
un (le copier-coller entraînant régulièrement
des problèmes sur mon logiciel de création
de site web).
3.
L'EXTRAORDINAIRE ÉCHO MÉDIATIQUE
Mercredi 20 décembre 2006 - Brest
Vers 9h30, alors que je m'apprête
à partir en cours, mon portable sonne
: c'est un journaliste de France Bleu Breiz-Izel (France
Bleu Bretagne), contacté par Hervé Cressard
de l'AFP, qui souhaite me rencontrer pour une interview
dans une heure. Tant pis pour les cours ! En l'attendant, je vais chercher les
100 photocopies couleur de l'avis de recherche. Le vendeur,
qui a évidemment lu l'avis, me souhaite
de retrouver Ginette. Vers
11h, j'accueille donc dans mon studio d'étudiant
le jeune journaliste de France Bleu Breiz-Izel qui me
pose quelques questions. Ce devrait être diffusé
le lendemain matin, aux informations de 6h45 et de 9h.
Avant de partir, le journaliste me recommande de surveiller
les actualités sur Yahoo : « La dépêche
va probablement sortir en fin de matinée, et
généralement c'est sur Yahoo deux ou trois
heures après ». Je déjeune alors à
côté de mon ordinateur, connecté
sur les actualités de Yahoo dont je réactualise
la page toutes les 5 minutes environ. À 13h01, le communiqué
de l'AFP paraît dans la rubrique « Insolite
»
de Yahoo France : un article et une photo de Ginette
et moi prise devant le siège de Peugeot-Motocycles,
à la Toussaint 2004. Je
n'en crois pas mes yeux évidemment ! Je m'en
vais ensuite tout excité à l'université
où j'accroche trois avis de recherche dans les
couloirs et la caféteria. Puis, avec un rouleau
de scotch et une boîte de punaises achetées
pour l'occasion, je me rends dans deux magasins de cycles
Peugeot (et un troisième mais qui ne s'occupe
que de vélos) et dans deux déchetteries
où on me laisse à chaque fois afficher
mon papier. Pour convaincre les gens du sérieux
de l'histoire, j'ai avec moi les photocopies des articles
(du Télégramme et de Yahoo). Parmi les deux
magasins de cycles, il y a celui où j'avais coutume
de me rendre pour l'entretien de Ginette, depuis trois
mois. Le vendeur, devenu un ami, est attristé
d'apprendre le vol et affiche l'avis... sur la porte
d'entrée du magasin ! Je
m'arrête ensuite au grand Carrefour de Brest et
j'ose scotcher sur les portes vitrées de l'entrée
du centre commercial deux avis de recherche (qui, pour
la petite histoire, n'auront toujours pas été
décrochés deux jours plus tard !). Puis
je retourne à l'endroit du vol et je me lance
dans une vaste distribution de mes avis dans les boîtes
aux lettres. Pendant trois quarts d'heure, dans
un froid rigoureux, j'en déposerai environ soixante-dix.
À un mètre de l'endroit exact où j'avais
laissé Ginette pour la dernière fois de
notre « vie commune », il y a une borne EDF et j'y scotche trois
feuilles : l'avis de recherche, la photo agrandie de
Yahoo avec le petit résumé à côté,
et la photocopie de l'article du Télégramme.
J'apporte également un avis au bar-tabac-presse
du coin, je discute avec le barman et avec les quelques
clients. Certains d'entre eux ont vu l'article dans
Le Télégramme et sont admiratifs de tous
les kilomètres parcourus par Ginette. Je repars
dans ma tournée, gelé et un peu démoralisé
en me disant que tout cela ne servira probablement à
rien. Au moment où
je termine,
mon frère Nicolas m'appelle sur mon portable
pour s'exclamer : « C'est fou ! C'est génial
! Et tu as vu que c'est en première page de Yahoo
France !!? ». À la Une, carrément ?
J'ai bien sûr du mal à le croire et je
décide de rentrer chez moi immédiatement
pour voir ça ! Juste avant de repartir, je vois
deux policiers motards sur le trottoir, toujours à
proximité du lieu du vol. Je vais les voir en
leur rappelant mon cas, avec encore à l'apppui
l'article du Télégramme et celui de Yahoo.
Les policiers sont au courant, oui, et ils promettent
d'ouvrir l'oeil. Ils me prennent deux avis de recherche
pour les afficher (théoriquement) au commissariat.
Je
rentre donc chez moi et découvre effectivement,
sidéré, que l'article de Yahoo
a été « promu » - aux alentours
de 16h40 - en
première page de Yahoo France, avec l'accroche
« On a volé Ginette ! », et il y restera
jusqu'à 22h40 environ ! Je jette un coup d'oeil sur les
e-mails : 60 nouveaux sont arrivés au cours des
dernières heures ! Une poignée de minutes
s'écoulent et le téléphone sonne
: c'est un journaliste d'Europe 1 qui demande s'il peut
m'interviewer immédiatement. N'en croyant pas
mes oreilles, j'accepte évidemment ! Il fait
les branchements rapidement et me pose donc plusieurs
questions pendant environ 5 minutes. Cette interview
téléphonique passera sans doute plus tard
dans la soirée mais je ne l'entendrai pas personnellement. Le
téléphone à peine raccroché,
il sonne à nouveau : c'est un journaliste de
LCI cette fois qui souhaite m'interviewer dans 10 minutes
! Je téléphone entre temps à Lucie
et à mes parents pour les tenir au courant. Évidemment,
ils n'en reviennent pas non plus. Le journaliste rappelle
à l'heure et pose, à son tour, des questions
pour en savoir plus sur Ginette et son vol. Cela doit
être diffusé le soir-même vers 23h10
dans l'émission « LCI est à vous
». Les
45 minutes suivantes seront plus calmes, avec toutefois
la réception encore de nombreux e-mails. Puis,
le téléphone sonne encore : c'est un journaliste
d'une radio de l'ouest de la France, dont j'ai oublié
le nom, qui souhaite m'interviewer dans 15 minutes !
Effectivement,
vers 19h, je réponds à cette nouvelle
interview téléphonique pour cette radio
de l'ouest de la France, mais le journaliste ne précise
pas quand elle sera diffusée. Cinq
secondes (vraiment) après avoir raccroché
le téléphone, celui-ci sonne à
nouveau, et cette fois c'est un rédacteur
de TF1... intéressé lui aussi par l'histoire
insolite de Ginette et souhaitant y consacrer un petit
reportage. Il me demande mon numéro de portable,
et promet que je serai contacté le lendemain
matin, après qu'il en ait parlé à
ses supérieurs et à ses collègues
basés à Brest. Pendant que les e-mails continuent
d'arriver pendant toute la soirée, l'article
de Yahoo quitte la Une vers 22h40 mais reste dans le
quatuor des quatre dernières principales dépêches
parues, et ce, jusqu'au lendemain vers 14h ! 23h10
: comme prévu l'émission « LCI est
à vous » est diffusée ; je ne la verrai
pas mais mes parents l'enregistreront. Le journaliste
présente brièvement Ginette, et des extraits
de l'interview téléphonique passent en
voix off pendant que sont montrées des pages
du site 103ginette. Pour
ma part, je vais me coucher, conscient que je ne dois
pas me laisser dépasser par tous ces événements
et qu'il est important de bien dormir pour faire face
à cette excitation !
Jeudi 21 décembre 2006 - Brest
À 6h45 et à
9h, j'écoute sur France Bleu Breiz-Izel le passage
consacré à Ginette dans les informations
matinales. Par curiosité, je regarde
les statistiques de visite du site 103ginette : il y
a eu la veille plus de 8300 visites (120 fois plus qu'un
jour normal !) et près de 79000 pages vues (soit
350 fois plus qu'un jour normal !!!). En
attendant le coup de téléphone de TF1,
je me dis qu'après la dépêche AFP
l'autre grand journal du coin aura peut-être parlé
du vol de Ginette ; je vais donc acheter Ouest-France
au bar-tabac-presse de mon quartier (où la même
buraliste que mardi soir me regarde toujours un peu
bizarrement...), et effectivement je tombe sur un article consacré
à Ginette dans Ouest-France, intitulé
« Avis de recherche pour Ginette... la mobylette
». C'est dans la rue, justement,
que je reçois l'appel d'une jeune femme de TF1,
très gentille : elle me propose de venir à
ma résidence l'après-midi, à 15h.
Le rendez-vous est pris. Elle m'annonce alors, et sans
ambiguïtés, que le reportage sera destiné...
au journal télévisé de 20h ! Une
fois de plus, je suis stupéfait de l'ampleur
médiatique que cette histoire aura pu prendre.
Plus tard dans la journée, j'apprends qu'il y
a eu un nouvel article
sur Ginette dans Le Télégramme
: un petit texte en quatrième de couverture
intitulé « Mais qui a volé Ginette
? » Vers
14h, l'article sur Yahoo quitte le quatuor des quatre
dernières Une, après y être resté
pendant près de 24 heures ! Le nombre d'e-mails
reçus avoisinne maintenant les 250 et je continue
à les recopier au fur et à mesure sur
mon site. Je retourne à la boutique de reprographie
de la rue Jean-Jaurès pour faire faire 25 nouveaux
exemplaires de mon avis de recherche. Nouvelle complicité
avec le vendeur, à qui je recommande de regarder
le journal télévisé de TF1. Je
rentre à ma résidence et vers 15h je descends
dans la rue, dans le froid, pour attendre les journalistes
de TF1 et les accueillir dès leur arrivée
devant le bâtiment. Ils arrivent et nous prenons
contact : ils sont deux, une journaliste - Guénaëlle
Théaud - et un caméraman - Yann Lagoutte.
Ils montent le matériel dans ma chambre (caméra
et trépied) ; je les aide car la journaliste
est enceinte. Nous tournons ensuite le reportage pendant
environ 1h15 : à mon bureau, devant l'ordinateur,
avec des photos de Ginette et des extraits du DVD que
j'avais réalisé en 2003 pour ses 40000
kilomètres. Pour finir, je suis interviewé
assez longuement. Je leur confie ma clé USB sur
laquelle j'ai chargé la chanson « Ginette
»
des Têtes Raides - ayant donné son nom
au cyclo - et une sélection de plusieurs photos.
Vers 17h, les journalistes s'en vont en me disant qu'on
me rapportera ma clé USB dans la soirée. Un
peu plus tard, je reçois un nouveau coup de téléphone
: c'est un journaliste du Journal du Dimanche cette
fois, qui souhaite publier un article dans le prochain
numéro. Il m'interview par téléphone
et me dit qu'un photographe du journal passera me voir
le lendemain. On me téléphone encore :
c'est une dame du Télégramme qui me demande
simplement si un photographe peut venir me rendre visite
tout de suite. J'accepte bien sûr, et il arrivera
en 20 minutes - très sympa - pour me prendre
sous plusieurs angles avec même un peu de mise
en scène (ordinateur sur les genoux par exemple,
avec la photo de Ginette en fond d'écran). Je
téléphone à la mère de l'élève
à qui je donne des cours de soutien pour lui
demander de m'excuser pour mes absences répétées
cette semaine. Je lui parle un peu du vol de Ginette
et elle me dit : « Ah c'est vous ? J'ai vu ça
dans le journal ! ». Je lui suggère, à
elle aussi, de regarder le journal de TF1 à 20h. Je
reçois également un e-mail d'un journaliste
du Parisien - édition de l'Essonne - qui souhaite rédiger un article sur mon
histoire. Je le rappelle et il me demande de lui envoyer
des photos sur lesquelles on puisse voir à la
fois Ginette et moi ; d'autre part, le journaliste propose
de me rappeler mercredi prochain pour une interview
téléphonique. Chaque
heure m'apporte donc son lot de surprises et j'ai du
mal à réaliser toute cette folie qui m'arrive,
mais je ne me prends surtout pas la tête. Mon
seul objectif à moi, c'est de retrouver Ginette
! Si seulement ça pouvait marcher, quelle joie
cela pourrait être de repartir à l'aventure
avec une Ginette devenue quelque peu célèbre
! Mes périples ne pourraient alors pas être
mieux promus ! En attendant, je continue de recopier
les messages de soutien sur le site. N'ayant
pas de télévision, j'appelle quelques
camarades de promotion pour leur demander s'ils en ont
une et s'ils veulent bien m'accueillir à 20h.
Le choix se portera sur mon ami Alex : je me rends donc
à son appartement et on discute pendant le journal
télévisé en attendant le moment
venu. Il y a beaucoup d'actualités mais je suis
certain que notre tour va arriver. Et en effet, à la fin
du journal de 20h de TF1, le reportage sur Ginette est
diffusé, en étant d'ailleurs introduit
et conclu par Patrick Poivre d'Arvor. Le reportage est très
bien, avec même des extraits de mon DVD où
l'on voit notamment Ginette dans l'atelier de mon ami Patrick, le mécanicien l'ayant toujours entretenu. Dès
la fin du reportage, mon portable sonne à de
nombreuses reprises, pour des appels ou des textos :
mes parents et Lucie bien sûr, mais aussi
des connaissances qui n'avaient pas été
prévenues et qui ont été surprises,
comme Jonathan, Audrey, Magali, Mme Duchamp (ancienne
institutrice), Nathalie du Futuroscope. Je me dépêche
de rentrer chez moi où je réceptionne
déjà 38 nouveaux messages ! Ils continueront
d'affluer ainsi durant la soirée mais aucun ne
provient des voleurs malheureusement. Plus
tard dans la soirée, je décide de retourner
sur le lieu du vol pour voir si ces derniers, après
avoir peut-être vu le reportage de TF1, n'ont
pas remis Ginette à sa place... Hypothèse
très improbable bien sûr, mais après
que l'idée vous a traversé l'esprit,
vous devez nécessairement aller vérifier
pour ne pas être perturbé plus longtemps. Je
m'y rends donc, avec quelques espoirs malgré
tout, mais non. Elle n'y est pas. J'envisage de rester
sur place au moins jusqu'à minuit mais Lucie
m'en dissuade au téléphone. Je rentre
donc à mon studio mais je reviendrai rapidement
à cet endroit vers minuit. Ginette n'y est toujours
pas évidemment. Cette fois je rentre me coucher,
bien fatigué à nouveau par cette folle
journée.
4.
LE PÈRE NOËL NE RAMÈNE PAS GINETTE
Vendredi 22 décembre 2006 - Brest
Mon site Internet a encore enregistré
3100 visites hier, pour 29600 pages vues environ ! Le photographe du Journal du Dimanche
- Franck Bettermin - arrive vers 13h. On fait quelques
photos dans mon appartement puis en extérieur,
devant la rade. M. Bettermin souhaite, là
encore, mettre les photos un peu en scène et
me demande pour cela de prendre certaines pauses. Puis,
de retour à mon studio, il utilise ma connexion
Internet pour envoyer toutes ces photos à sa
rédaction ainsi que quelques-unes de mon site,
que j'avais préalablement sélectionnées. Après
son départ, je retourne au commissariat central
de Brest, muni cette fois de plusieurs articles de journaux
(dont la dépêche AFP sur Yahoo !) et fort
du reportage de la veille au soir bien sûr ! Hélas,
je tombe à l'accueil sur une policière
qui semblent plus intéressée par la clémentine
qu'elle est en train d'éplucher que par mon histoire.
Je lui parle du reportage sur TF1, elle ne l'a pas vu.
Elle se demande probablement, d'ailleurs, si je dis
vrai car cela peut sembler difficile à croire.
Elle me déclare que, de toutes façons,
j'ai déposé plainte et que si la police
a du nouveau on me contactera. Je m'en vais donc, penaud,
tristounet de constater que les forces de l'ordre ne
semblent pas avoir été touchées
par l'écho médiatique de ces derniers
jours pour Ginette. Alors qu'ils pourraient en retirer
une grande estime, quand on sait que tous les médias
m'ont dit : « Si vous la retrouvez, surtout rappelez-nous
! ». Peu après,
je repasse au bar-tabac-presse de mon quartier et j'y
revois la buraliste qui me trouvait bizarre. Et cette
fois, c'est à peine si elle ne me tombe pas dans
les bras : « C'est vous que j'ai vu à la
télévision hier !!! ». Immédiatement,
elle raconte tout aux clients, toute heureuse : «
Le
jeune homme, il a fait des milliers de kilomètres
avec sa mobylette, il est allé partout, en France,
en Angleterre, en Allemagne... » et, très
gentiment, pleine d'enthousiasme et d'espoir : «
Ne
vous inquiétez pas, on va la retrouver votre
Ginette ! ». En
milieu d'après-midi, après avoir rendu
ma voiture de location qui m'aura été
très utile, je repars à pied avec ma caisse de carton contenant mes avis de
recherche, photocopies d'articles de presse, rouleaux
de scotch et boîtes de punaises : je marche jusqu'au quartier Saint-Pierre
et au croisement avec l'Avenue de l'École Navale (près
du lieu du vol). À partir de là, je descends
toute la rue Anatole France, de commerce en commerce,
et je demande à chacun s'ils veulent bien afficher
un avis de recherche pour Ginette sur leur vitrine :
buralistes, vendeuse de supérette, coiffeuses,
boulangères, bouchers, cuisiniers pour restauration
rapide, pharmaciennes... À chaque fois, l'accueil est
très gentil et tous accepteront ma demande. J'entre
en disant : « Bonjour, je suis l'étudiant
dont le cyclomoteur a été volé
la semaine dernière dans la rue de la Résistance,
ils en ont parlé hier soir au journal de 20h
de TF1 ». De là se détachent deux
catégories de gens : ceux qui ont vu le reportage
et ceux qui ne l'ont pas vu. Les premiers s'étonnent
bien sûr mais ils situent parfaitement et rapidement
de quoi il s'agit et compatissent ; les seconds, eux,
sont très surpris et sceptiques en entendant une
phrase pareille ! Je vois dans les yeux de certains
qu'ils se demandent si je ne me moque pas d'eux. À
la
fin de cette nouvelle tournée je suis épuisé.
Je me dis que cette fois je peux estimer avoir fait
tout ce que je pouvais.
Samedi 23 décembre 2006 - Brest >
Toulon
Je pars à Toulon en train pour aller passer Noël
en famille chez ma grand-mère, histoire de me
changer les idées pour de bon.
Dimanche 24 décembre 2006 - Toulon
Je me rends compte que j'ai oublié
mon ordinateur à Brest ! Oubli ou acte manqué
après avoir passé des journées
entières devant son écran ? Désir
inconscient de décompresser ? Je l'ignore. En
tout cas je ne pourrai pas mettre le site à jour
pendant ces deux semaines de vacances, mais j'irai quand
même sur Internet grâce à l'ordinateur
de mon frère pour consulter les messages qui
continuent d'affluer dans la boîte aux lettres
de Ginette. Je vais
au bar-tabac-presse du coin et, comme annoncé,
je tombe sur un grand article, très bien écrit,
clair et précis, dans le Journal du Dimanche,
intitulé « Ginette starlette du Net »
!
Mercredi 27 décembre 2006 - Toulon
Comme prévu, Sébastien
Thomas, du Parisien - édition de l'Essonne -
m'appelle pour une assez longue interview téléphonique,
qui se passe très bien.
Vendredi 29 décembre 2006 - Toulon >
Angoulême
Parution dans le
Parisien - édition de l'Essonne - d'un grand
article intitulé : « Il lance un SOS sur
Internet pour retrouver sa mobylette » ! Ce jour également, je quitte Toulon pour rejoindre Lucie
à Angoulême, en train à nouveau.
5.
RETOUR AU CALME
Mardi 2 janvier 2007 - Angoulême
M6, par l'intermédiaire
d'Agnès Buthion, me contacte par e-mail pour me
recevoir dans l'émission matinale « Morning
Café ». Lucie et ses cousines me
disent que ce programme, héritier du «
Morning
Live », n'a pas très bonne réputation,
et que c'est probablement plus pour se moquer de Ginette
et moi que pour m'aider à répandre l'avis
de recherche. Je ne réponds donc pas à
l'e-mail.
Jeudi 4 janvier 2007 - Angoulême
Agnès me renvoie un e-mail
en réitérant son invitation pour que je
participe à l'émission, en précisant
que c'est urgent et en décrivant un peu plus
l'objectif de la nouvelle chronique apparue récemment
dans l'émission : montrer des anonymes qui font
l'actualité. Je me décide alors, un peu
à contrecoeur, à téléphoner
à Agnès qui me décrit le principe
de l'émission plus en détail. Elle le
fait d'ailleurs de façon très accrocheuse,
très vendeuse. Le tournage aurait lieu lundi
8 janvier après-midi, dans un studio à
Paris. Je finis par accepter mais, après avoir
raccroché, je suis tout de même tracassé
car je crains que l'esprit de l'émission ne soit
pas assez sérieux, trop déconneur, et
finalement j'envoie un e-mail à Agnès pour
me désister. Plus
tard dans la soirée, Agnès laisse un message
sur mon portable, un peu désespérée
car elle avait été si contente à
l'idée de parler de Ginette, et le présentateur
Gery Leymergie était vraiment emballé.
Elle fait tout pour essayer de me convaincre de revenir
sur ma décision. Je lui renvoie un e-mail en lui
demandant à nouveau de m'excuser mais que ma
décision est définitive. Encore
plus tard dans la soirée, Agnès me laisse
à nouveau un message sur mon portable en s'accrochant
une dernière fois et en me suggérant d'appeler
Gery Leymergie le lendemain matin pour discuter avec
lui et dissiper mes inquiétudes. J'envoie finalement
un texto à Agnès pour lui dire : «
OK
je réfléchis et j'appelle Gery demain
matin pour mettre au point deux ou trois choses ».
Vendredi 5 janvier 2007 - Angoulême
J'appelle Gery Leymergie vers
9h30 et la conversation se passe très bien. L'animateur
réussit à me convaincre que l'émission
a un esprit bon enfant et qu'ils ont simplement envie
de raconter la belle histoire de Ginette. Je pose davantage
de questions que la veille, pour bien savoir à
quoi m'attendre, et finalement j'accepte. Le tournage
aura donc lieu, comme prévu, lundi après-midi
(ce qui me fera manquer une journée de cours,
une fois de plus après déjà une
fin décembre assez... buissonnière...).
Agnès me rappelle dans la soirée pour
me préciser le rendez-vous : date et lieu. Dans
un tout autre registre, qui m'attire davantage d'ailleurs,
je reçois un message de Réale, membre
de « Fondacio », une association organisant
des camps pour enfants pour les amener
à construire leur personnalité : responsabilité,
objectifs dans leur vie, bâtissement de leur avenir,
rapport à soi et aux autres, et spiritualité. Un camp dont le thème est «
aventurier
de la vie » sera organisé durant une semaine,
début avril, à Pénestin dans le
Morbihan, et Réale m'invite à venir
intervenir auprès de ces jeunes scouts le lundi
2 avril, dans le cadre de la journée intitulée
« Osez l'aventure ». J'en suis très honoré
et je réponds donc un long e-mail à Réale
en lui expliquant que je me ferai une joie d'intervenir.
Samedi 6 janvier 2007 - Angoulême >
Longpont-sur-Orge
Réale me répond
que mes non-convictions religieuses ne changent rien
à ma façon de voir la vie ! Et qu'elle
et les autres organisateurs seraient ravis de m'accueillir. Après
avoir passé une semaien à Angoulême,
je dis au revoir à Lucie et à
ses parents et je rentre dans mes contrées essonniennes,
à Longpont, où je retrouve mes parents
et mon frère. Au
cours de cette semaine également, mais j'ignore
quel jour, un article est publié sur Ginette dans
l'hebdomadaire Marianne (c'est un internaute qui me l'apprendra et m'a envoyé
l'article, merci à lui !). L'article comporte
notamment un sympathique dessin caricatural !
Dimanche 7 janvier 2007 - Longpont-sur-Orge
Agnès de M6 me demande
d'apporter si possible sur le plateau de l'émission
un objet ayant un rapport avec Ginette. Dans le garage
de la maison, mon regard se pose sur mon ancien casque,
qui pourrait sûrement faire l'affaire ! Agnès
trouvera l'idée bonne et en profitera pour me
demander : « Est-ce que tu réalises que Ginette
est devenue la mobylette la plus populaire de France
? »
Lundi 8 janvier 2007 - Longpont-sur-Orge > Paris >
Brest
Le tournage de l'émission
se déroule sans problème. L'esprit est
en effet à la rigolade, mais sans débordements,
l'atmosphère est sympa. La diffusion est prévue
pour le vendredi 12 janvier. En sortant du studio, à
19h, je prends la route (avec la voiture de mon frère
cette fois) pour Brest où j'arrive à 1h
du matin. J'ai du courrier mais toujours aucune manifestation
du voleur. Dommage !
Jeudi 11 janvier 2007 - Brest
Grâce à mon grand
ami Franck, de Saint-Nazaire, qui a suivi de très près
les événements, l'histoire de Ginette fait l'objet d'un nouvel
article de presse, dans la revue intitulée La
Vie de la Moto (qui lui avait déjà consacré deux articles
par le passé).
Vendredi 12 janvier 2007 - Brest
8h20 : l'émission
du « Morning Café » à laquelle
j'ai participé est diffusée sur M6. Mais ce nouvel appel aux ravisseurs de Ginette ne permettra
pas plus que les précédents d'obtenir
une piste quant au devenir de ma compagne de voyage.
Jeudi 1er février 2007 - Longpont-sur-Orge
Un jeune homme travaillant à TF1 me téléphone
pour me demander si j'ai des nouvelles de Ginette, autrement
dit si l'écho médiatique a eu de l'effet.
Qui plus est, il m'annonce que c'est Patrick Poivre
d'Arvor en personne qui souhaitait le savoir. «
Je ne sais pas ce que vous lui avez
fait, mais votre histoire l'a touché apparemment
! ». Peut-être parce qu'il a des origines
bretonnes ? Le journaliste est très étonné
que je n'aie eu strictement aucune piste pour retrouver
Ginette après tout ce qui avait été
mis en oeuvre à cette fin. Quelques
jours plus tard, je m'attaquerai à la mise à
jour de ce site, en commençant par les premières
pages où certaines phrases devaient être
supprimées, d'autres ajoutées, et où
certains verbes devaient tout simplement être
mis à l'imparfait. Snif...
Mercredi 28 février 2007 - Brest
Comme prévu depuis plusieurs semaines, un article sur Ginette est publié dans le
mensuel Moto Magazine ainsi que dans le magazine Starter (l'équivalent de Moto Magazine pour les 50 cm3). Un très bel article, d'une page entière, et
pour lequel je tiens à remercier chaleureusement
François
Barrois.
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